Si le langage humain est d’une grande valeur pour notre espèce, la communication entre animaux aquatiques l’est tout autant, et probablement bien plus. Dans l’immensité de l’océan où la lumière se fait rare et les sources de nourriture sont moins prévisibles que sur la terre ferme, le son est l’une des propriétés physiques les plus exploitées par les espèces animales qui y vivent. Selon une étude basée sur des données récoltées sur plusieurs années, les clics des cachalots, différents du chant des baleines à fanon, seraient un des moyens principaux de transmission de la « culture » du cachalot et serait à l’origine de leurs sociétés très complexes et structurées. Les séries de clics précis produits par les cachalots se nomment « codas » et sont spécifiques en fonction de leurs propriétés auditives. Bien qu’il soit vrai que le bagage génétique et l’apprentissage transmis de la mère à l’enfant jouent un rôle important dans la transmission de plusieurs traits de comportement, les recherches sur leur comportement social indiquent généralement que c’est la transmission oblique d’informations qui est à l’origine de leur structure sociale.

Figure 1 : Transfert oblique d’information dans une population de cachalots à travers les trois niveaux d’organisation sociale (Cantor et al., 2015)

Les cachalots, étant matriarcaux, se répartissent généralement selon trois niveaux : individus, groupes, clans. Les individus se rassemblent en groupes formés d’une douzaine de femelles et de jeunes, et ces groupes peuvent être regroupés en clans en fonction de leur similarité vocale. Selon les données d’étude, la formation de ces clans semble être due à deux concepts sociaux principaux : le conformisme et l’homophilie. L’homophilie est le principe selon lequel les individus au comportement similaire ont tendance à se rassembler, ici en fonction des similarités des clics. Ces individus vont ensuite généralement apprendre les codas les plus communs et récurrents dans leur groupe : il s’agit du conformisme. C’est un processus qui, comme chez les humains, crée et développe des relations entre les individus selon leurs caractéristiques.

Cela tend ainsi à former plusieurs groupes possédant chacun des signaux acoustiques aux différences marquées, mais qui partagent parfois leur « culture » entre eux. C’est ici qu’il est pertinent de souligner l’analogie avec les accents des langages humains : l’accent d’un Madelinot des Îles-de-la-Madeleine et ses expressions sont très différents d’un Montréalais, bien que tout deux vivent au Québec et parlent le français! C’est presque la même chose chez les cachalots. L’existence d’une telle communication souligne à quel point la pollution sonore induite par les nombreuses activités industrielles humaines constitue un problème majeur pour plusieurs espèces aquatique.

Figure 2 : Réseau représentant les trois niveaux de la structure sociale de la société des cachalots des Îles Galápagos : les individus, représentant par chaque nœud coloré, les groupes sociaux, représentés par les cercles regroupant des individus, et les clans vocaux, représentés par la couleur des grands cercles (rouge et bleu) (Cantor et al., 2015)

Sources:

  1. Cantor, M., Shoemaker, L. G., Cabral, R. B., Flores, C. O., Varga, M. et Whitehead, H. (2015). Multilevel animal societies can emerge from cultural transmission. Nature Communications, 6(1), 1‑10. doi:10.1038/ncomms9091
  2. Dalhousie University. (12 mai 2011). Whales have accents and regional dialects: Biologists interpret the language of sperm whales. ScienceDaily. Repéré à www.sciencedaily.com/releases/2011/05/110512104252.htm
  3. Tyack, P. (s. d.). The intriguing sound of marine mammals. Repéré à https://www.ted.com/talks/peter_tyack_the_intriguing_sound_of_marine_mammals

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