Voici une devinette :

Elle peut accompagner une marche. On peut l’écouter après une journée remplie de cours en ligne. Elle peut nous inspirer pour écrire ou pour créer quoi que ce soit. Elle peut nous consoler. Ou encore elle peut tout simplement remplir la maison d’une ambiance dansante pour fêter une belle journée…

Quel est le lien entre ces événements? Quelle est cette chose qui est invisible mais bien présente?

C’est la musique.

Physiquement, la musique est une onde sonore qui fait vibrer les molécules (par exemple d’air) à une certaine fréquence (une vibration qui a une certaine rapidité donnée). Cette onde sonore peut équivaloir à une note musicale.1 La combinaison de ces notes en suivant une rythmicité permet de créer de la musique. 

Même si la merveille qu’est la musique a pu être définie, quantifiée et comprise par les physiciens, les mathématiciens ainsi que les musiciens, savoir pourquoi cette musique est une « merveille » à nos oreilles est encore un dilemme pour les biologistes.

Son effet sur le vivant peut être observé à plusieurs reprises dans une multitude de recherches. La liste est longue et pour ne pas s’endormir en cherchant une seule solution qui n’existe pas, ici se trouvent quatre réponses possibles intrigantes.

1.      La musique couplée à un anesthésiant peut amplifier les effets de ce dernier. C’est le dentiste Maxime Drossner qui fit cette découverte en 1901.2 En réalisant que son anesthésiant n’avait pas toujours une efficacité optimale sur ses patients qui étaient nerveux et agités durant ses opérations, il eut l’idée de s’inspirer du « père de la chirurgie moderne », Ambroise Paré, qui avait utilisé la musique comme thérapie 400 ans plus tôt.3 Les patients étaient alertés par les bruits ambiants, pourquoi ne pas attirer leur attention vers de la musique? M. Drossner relia alors l’appareil d’anesthésiant utilisant du protoxyde d’azote (gaz hilarant) à un gramophone placé sur les oreilles du dormeur.2

Le patient semble bien endormi, les oreilles couvertes par le gramophone et l’appareil d’anesthésiant couvrant sa bouche ainsi que son nez. Source: French National Institute for Industrial Property (INPI)

2.      La musique peut aussi jouer un rôle thérapeutique hors des méthodes dites « pharmaceutiques ». Mise dans le même panier que l’hypnose et la réalité virtuelle, la musicothérapie permet d’éviter qu’une douleur se transforme en douleur chronique (plus importante et plus difficile à traiter). Jouant le rôle de solution alternative aux drogues, la musique permet de diminuer la douleur des gens qui souffrent d’anxiété ou de dépression pour leur éviter de tomber dans le cycle vicieux d’une dépendance aux opioïdes.4 Fair-play, elle n’offre que des bénéfices: la question du revers de la médaille ne se pose même pas. Interagissant directement avec diverses régions du cerveau qui s’occupent de la gestion de la douleur 5, écouter de la musique diminue significativement la douleur à court terme.4

Vue de côté et vue de haut des régions du cerveau associées à la douleur qui sont activées (en orange). Source: Université McGill.

3.      Le volume, le rythme, les accords, la durée de la musique, en plus d’influencer l’effet thérapeutique, jouent aussi un rôle dans la reconnaissance musicale. Chaque humain a une certaine capacité à se sentir plus ou moins réceptif face à différents styles musicaux. Ceci s’explique par le fait que l’humain est une espèce qui a développé des capacités cognitives telles celles lui permettant de perfectionner le langage verbal. Dès son plus jeune âge (quelques mois), un bébé doit apprendre à pouvoir différencier des sons typiques de la langue qu’on lui apprend. Grâce à un magnétoencéphalogramme (un appareil pouvant mesurer l’activité cérébrale d’un sujet, ici le bébé), il est possible de voir que le bébé est plus réceptif à certains sons plutôt qu’à d’autres selon la langue que ses parlent utilisent pour lui parler.6 Anatomiquement, le système auditif est composé d’une oreille interne moyenne et externe 7 ainsi que de l’aire auditive primaire du cerveau. L’onde sonore fait vibrer les molécules d’air qui frappent le tympan se trouvant dans l’oreille moyenne. Le mouvement du tympan est ensuite transmis par un effet domino jusqu’à faire vibrer la cochlée, un pièce du domino auditif ayant la forme d’une coquille d’escargot. Cette partie spiralée est remplie d’un liquide où baignent des cils qui sont sensibles à la moindre vibration. Quand ces cils sont excités, l’aventure ne s’arrête pas là: ces cils transmettent leur signal au nerf cochléaire.8 Le signal est ensuite acheminé grâce au nerf auditif jusqu’à l’aire auditive primaire (située au niveau du cerveau) qui analysera l’information. En d’autres mots, c’est là (au niveau cortical) qu’il y aura une interprétation des sons qui ont été perçus. Ainsi, non seulement notre système auditif peut percevoir, mais il peut aussi interpréter les sons qu’il entend. C’est notamment dans la région corticale qu’on trouve le lobe pariétal inférieur. Ce dernier se trouve à un endroit stratégique du cerveau : à l’intersection des cortex auditif, visuel et somatosensoriel.Les neurones de cette région peuvent traiter différents stimuli sensoriels en même temps (neurones multimodaux) afin de bien recevoir les  multiples particularités que peut contenir un mot comme son aspect visuel, sa fonction, son nom, sa sonorité.9En revenant à nos bébés, on peut se demander en quoi le langage est-il relié à la musique. La langue et la musique sont formées de sons ainsi que de rythmes. En sachant que les bébés apprennent rapidement différentes sonorités de langues variées 6 une nouvelle expérience a été effectuée pour voir si la musique avait un effet sur leur apprentissage. En donnant des leçons de rythmes à trois temps à certains bébés (bébés testés) et en effectuant des jeux avec d’autres (bébés contrôles), des scientifiques ont ensuite observé que les bébés ayant eu une formation musicale avaient une activité cérébrale plus grande lors d’un changement de rythme musical ou lors d’un changement de sonorité dans la prononciation de certain mots lorsqu’une personne parle. Ceci veut dire que l’apprentissage musical permet d’augmenter l’activité du cerveau lorsqu’il analyse des informations auditives relatives aux sons de musique et que cela peut être généralisé à l’analyse du langage. Dès le plus jeune âge, un humain est sensible aux sons comme aux notes.10 En sachant que la région corticale travaille main dans la main avec les structures limbiques (structures de l’encéphale qui sont à l’origine des émotions),11 la musique peut être vue comme une forme de langage. 

Une différence physique entre l’activité cérébrale des bébés ayant expérimenté de la musique (bleu et rouge) et ceux n’ayant pas expérimenté de la musique (vert et orange) est observable. Les bébés-mélomanes ont tendance à reconnaître plus facilement les “patterns” du langage qui changent. La bande jaune correspond au moment où un changement de “pattern” verbal a lieu. Source: Zhao et Khul, 2016.

4.      La musique peut être écoutée passivement ou être utilisée activement. Ceci est observable dans les moments heureux, mais c’est aussi une solution qui peut mener au bonheur. La musique est un des outils permettant aux humains d’avancer dans l’impasse: bloqués dans nos émotions, bloqués face à un problème, bloqués face à un mur physique lorsqu’on se retrouve cloîtré entre quatre murs, il est possible de surpasser cela en créant une mélodie.12 Tout cela semble trop beau pour être vrai, et sonne même comme Lamélodie du bonheur, mais c’est pourtant bien réel. C’est une forme d’innovation créant de nouvelles connexions dans la matière grise, de nouveaux chemins possibles pour un influx nerveux qui apparaissent comme lorsqu’il est question d’un changement dans l’aventure du quotidien. Dès que quelque chose de nouveau est créé, comme une improvisation musicale, il se fait aussi un apprentissage qui permet aux neurones de former de nouveaux ponts entre eux, un chemin, pour créer de nouveaux parcours électriques ainsi que chimiques. En plus de faire un bon dépoussiérage des neurones, la musique est une expression humaine détenant un message qui peut réveiller n’importe quel sentiment.

 Suite à son analyse de la dimension cognitive vécue à l’écoute de Mr Tambourine Man (de Bob Dylan), Ole Kühl déclare “To share a particular moment through the synchronized engagement in words and melody brings on a state of embodied and emotional attunement and entrainment that seems to be uniquely human.” 13

Image prise du film Shawshank Redemption. Bloqué à l’intérieur des murs d’une prison, le personnage Andy Dufresne joue le Sull’aria du Mariage de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart pour transmettre par la musique le sentiment de liberté aux prisonniers.

Sources:

  1. Taylor, C. et Campbell, M. (2001). Sound (vol. 1). Oxford University Press. 10.1093/gmo/9781561592630.article.26289
  2. Cazalaà, J.-B. (2012). Musicotherapy in Anesthesia. Anesthesiology, 117(6), 1252‑1252. 10.1097/ALN.0b013e31827ce1a2
  3. https://www.universalis.fr/encyclopedie/ambroise-pare/
  4. Roelants, F. (2019, octobre). ESRA19-0696 Non-pharmacological methods for comfort and pain management (virtual reality, musicotherapy, hypnosis,……). Abstracts of the European Society of Regional Anesthesia, September 11–14, 2019 (p. A50‑A52). 10.1136/rapm-2019-ESRAABS2019.47
  5. https://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_03/a_03_cr/a_03_cr_dou/a_03_cr_dou.html
  6. Kuhl, P. K., Tsao, F.-M. et Liu, H.-M. (2003). Foreign-language experience in infancy: Effects of short-term exposure and social interaction on phonetic learning. Proceedings of the National Academy of Sciences, 100(15), 9096‑9101. 10.1073/pnas.1532872100
  7. Bansal, M. (2016). Anatomy of ear. Dans Essentials of Ear, Nose and Throat (p. 4‑4). Jaypee Brothers Medical Publishers (P) Ltd. 10.5005/jp/books/12739_3
  8. Reece, J. B., Faucher, J. et Lachaîne, R. (2012). Campbell biologie.
  9. https://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_10/i_10_cr/i_10_cr_lan/i_10_cr_lan.html
  10. Zhao, T. C. et Kuhl, P. K. (2016). Musical intervention enhances infants’ neural processing of temporal structure in music and speech. Proceedings of the National Academy of Sciences, 113(19), 5212‑5217. 10.1073/pnas.1603984113
  11. Roederer, J. G. (1987). Why Do We Love Music? A Search for the Survival Value of Music. Dans R. Spintge et R. Droh (dir.), Musik in der Medizin / Music in Medicine (p. 9‑12). Springer Berlin Heidelberg. 10.1007/978-3-642-71697-3_2
  12. Harbert, B. J. (2016). Prison music (vol. 1). Oxford University Press. 10.1093/gmo/9781561592630.article.A2292776
  13. Kühl, O. (2010). Song Structure and Phenomenology: Text and Music in « Mr. Tambourine Man ». SSRN Electronic Journal. 10.2139/ssrn.1532795

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