Les expériences scientifiques entourant le domaine du comportement animal sont souvent celles qui se retrouvent à la une des articles de journaux qui défilent sur les réseaux sociaux. À l’apparence souvent très simplistes, les études comportementales relèvent en réalité d’un domaine particulièrement complexe mêlant écologie et évolution, exigeant une grande prudence dans ses interprétations. L’apprentissage social peut se réaliser de plusieurs façons aux différences subtiles mais ayant une importance significative. Deux types d’apprentissage ont reçu particulièrement d’attention dans les dernières années: la facilitation et l’imitation. En observant les gestes d’un autre individu, la facilitation consiste à tenter de reproduire spécifiquement les résultats de ces actions, donc de garder seulement les actions utiles. L’imitation est plutôt la réplication de tous les mêmes mouvements qu’un congénère, sans exception.

L’expérience de Horner et Whiten, réalisée en 2005, est une étude fascinante ayant permis d’approfondir notre compréhension de l’apprentissage social chez les chimpanzés et les humains. Une boite bien spéciale est au centre de cette expérience. Construite comme un casse-tête, l’intérieur est séparé par une barrière physique. Ainsi, la boîte est divisée horizontalement en deux parties, avec un trou permettant d’accéder à chacune d’entre elles. La récompense alimentaire située au fond de la boîte peut donc seulement être atteinte par la partie inférieure, en manipulant ou outil avec des gestes précis qui permettent d’actionner un mécanisme. Comprendre le fonctionnement de cette boîte n’est toutefois pas primordial pour comprendre les résultats de l’étude. L’important, c’est qu’un démonstrateur humain effectue une série de mouvements, dont certains permettent d’obtenir la récompense alimentaire, alors que d’autres sont purement inutiles. Deux variations de la boîte ont été créées: une opaque et une transparente. Avec la boîte opaque, l’animal qui observe le démonstrateur ne pourrait pas voir le mécanisme de la boîte et serait donc incapable de distinguer les mouvements utiles des mouvements inutiles. Bien évidemment, la boîte transparente laissait percevoir l’utilité de chaque mouvement. 

Vue externe du mécanisme de la boîte transparente (a) et opaque (b).

Deux groupes ont été testés avec ces dispositifs: des chimpanzés de 2 à 6 ans et des enfants humains de 3 à 5 ans. Qu’est-ce que les résultats révèlent? Comme il était prévisible, en observant une démonstration sur une boîte opaque, le sujet avait tendance à reproduire tous les mouvements, puisqu’ils ne pouvaient pas savoir lesquels étaient importants. Là où les choses deviennent intéressantes, c’est qu’en présence d’une boîte transparente, les chimpanzés et les humains n’ont pas réagi de la même manière. Les chimpanzés n’ont par la suite effectué que les mouvements qui étaient utiles pour accéder à la friandise, soit le phénomène de facilitation, alors que les enfants humains ont continué à effectuer chacun des mouvements, ce qui correspond à de l’imitation.

Chimpanzé manipulant l’outil dans la partie supérieure inutile (a) et dans la partie inférieure permettant d’accéder à la récompense alimentaire (b).

Est-ce que ceci signifie que les humains sont moins intelligents que les chimpanzés pour résoudre des problèmes? C’est ici qu’arrive le danger lié à l’interprétation. Plutôt que de tenter de comparer une intelligence générale de deux espèces très différentes, il vaut mieux se pencher sur les compétences à l’origine de ces comportements. Ainsi, la réaction des chimpanzés nous révèle que c’est l’efficacité et le résultat des actions qui leur importe dans de contexte, mais également qu’ils sont conscients que l’outil qu’ils manipulent doit avoir un contact physique avec la récompense pour l’obtenir. D’un autre côté, chez les humains, il a souvent été stipulé que l’imitation est le résultat d’une plus grande influence des conventions sociales. En effet, par le passé, des expériences suggèrent que des enfants de cet âge ont les connaissances nécessaires pour distinguer les résultats de différentes actions. Les humains auraient donc tendance à répéter les mêmes actions qu’un congénère lorsque celles-ci semblent être intentionnelles, même s’ils sont capables de savoir qu’elles ne provoquent pas le résultat attendu, comme c’est probablement le cas dans cette expérience. 

Il semble bien que les chimpanzés ainsi que les humains aient développé des stratégies sociales selon leurs besoins respectifs. Les chimpanzés ont tendance à ne répéter que les comportements utiles dans un optique d’efficacité, tandis que les humains ont plutôt tendance à copier avec exactitude des actions, puisque ceci serait une adaptation avantageuse dans les sociétés humaines!

Sources:

  1. Horner, V. et Whiten, A. (s. d.). Causal knowledge and imitation/emulation switching in chimpanzees (Pan troglodytes) and children (Homo sapiens), 18.
  2. Whiten, A., Horner, V. et de Waal, F. B. M. (2005). Conformity to cultural norms of tool use in chimpanzees. Nature, 437(7059), 737‑740. https://doi.org/10.1038/nature04047
  3. Zimmer, C. (2005, 13 décembre). Children Learn by Monkey See, Monkey Do. Chimps Don’t. The New York Times. https://www.nytimes.com/2005/12/13/science/children-learn-by-monkey-see-monkey-do-chimps-dont.html

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